LES LOIS MEMORIELLES : UNE PRATIQUE TOTALITAIRE ET LIBERTICIDE

Dans le N° 66 de LA LIBRE PENSEE EN VENDEE
mardi 14 février 2012
par  Lp 85
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Depuis 1990 et la loi Gayssot réprimant les actes racistes, antisémites et xénophobes en France, on assiste à une multiplication des lois dites mémorielles qui imposent le point de vue officiel de l’État sur des faits historiques et, de fait, excluent toute autre interprétation considérée comme négationniste. Si cette pratique n’est pas exclusivement française, il y a des exemples en Belgique et en Espagne ou dans le cadre des conventions votées au Conseil de l’Europe, il se trouve qu’elle est devenue « un sport législatif national », selon l’expression de l’historien Pierre Nora.

La loi du 29 janvier 2001 sur la reconnaissance publique du génocide arménien de 1915, la loi Taubira du 21 mai 2001 « reconnaissant la traite et l’esclavage en tant que crime contre l’humanité », la loi du 23 février 2005 sur « le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord et enfin la dernière adoptée par l’Assemblée le 22 décembre et par le Sénat le 23 janvier, « pénalisant la contestation des génocides établis par la loi », se sont greffées sur la loi Gayssot. Toutes ces lois n’intègrent pas des sanctions pénales en cas de violation, mais la dernière en date le propose alors que les députés avaient pris la décision en novembre 2008 de ne plus voter de lois mémorielles.

Cette inflation législative pose nombre de questions d’ordre politique, juridique, idéologique, et repose sur nombre de confusions, entre mémoire et histoire, mémoire collective et histoire nationale, devoir de mémoire et histoire d’État, vérité historique et construction manipulatrice.

Elle intéresse les libres penseurs non parce que la Libre Pensée aurait « son » histoire, « sa » mémoire à opposer à ces lois mémorielles mais parce qu’elles sont tout simplement une pratique totalitaire et liberticide : elles entravent la liberté de penser de façon critique de chaque citoyen et la liberté de s’exprimer et de communiquer.
Comme l’écrivait en 2005 l’association Liberté pour l’histoire, « l’histoire n’est pas une religion. L’historien n’accepte aucun dogme, ne respecte aucun interdit…[…]…dans un État libre, il n’appartient ni au Parlement ni à l’autorité judiciaire de définir la vérité historique ». Pas plus au pouvoir législatif qu’au pouvoir judiciaire qu’à celui de l’exécutif ne revient la responsabilité d’établir l’histoire !

Car on ne compte pas les injonctions émanant de l’exécutif pour imposer aux enseignants en mai 2007, telle lecture obligatoire de texte, en hommage à Guy Mocquet, ou respecter telle minute de silence, en hommage aux victimes du 11 septembre 2001 et du terrorisme, par exemple. Certes, il ne s’agit pas là de lois mais d’ordres transmis par voie hiérarchique. Cependant, dans tous les cas, ce sont des méthodes propres aux régimes totalitaires, surtout lorsqu’elles sont assorties de contrôles, qui ne tolèrent qu’une version officielle de l’histoire et construisent une mémoire officielle d’État. Les historiens de métier, dans leur travail critique de recherche et de confrontation des sources, sont les seuls à pouvoir écrire l’histoire, avec leur diversité d’approche, avec leurs interprétations voire leurs confrontations.

Ce n’est pas aux politiques – qui peuvent s’exprimer individuellement comme n’importe quel citoyen - à inventer une histoire et une mémoire d’État.
Ce n’est pas par la judiciarisation et la pénalisation que le débat démocratique progresse mais par le débat d’idées fondé sur des faits.

Avec ces lois dites mémorielles, la voie est ouverte à des revendications spécifiques, portées par des groupes particuliers.
Chaque groupe ou communauté pourrait en revendiquer une, s’appuyant sur la légitimité d’une émotion ressentie lors de drames vécus dans l’histoire ou d’une mémoire meurtrie. Cette dérive est permise par le fait que les associations seraient habilitées à se porter partie civile. Ainsi, depuis 1990, pas moins de 14 projets vont dans ce sens, notamment pour faire reconnaître par la République française le sort tragique des tsiganes, les famines des années Trente en Ukraine, l’extermination de gardes suisses…

L’utilisation abusive du terme de « génocide » désormais banalisé pour tout massacre de masse, pose aussi problème. S’il a fait l’objet d’une définition juridique en 1948 fondée sur l’intention exterminatrice, intentionnelle, systématique et programmée des « génocidaires », il reste contesté, au sein même des historiens.

On n’entrera pas dans le débat sur l’éventualité du « génocide » des Vendéens insurgés en 1793, car si la République a violemment combattu cette contre-révolution, ce fut dans le cadre d’une guerre civile, pas au nom d’une identité raciale, d’une origine ethnique, sociale ou religieuse, des Vendéens. On voit le sens donné aux propositions de lois déjà déposées en février 2007 par Joël Sarlot, Véronique Besse, Louis Guédon, entre autres, et en novembre 2007 par Hervé de Charrette sur « la reconnaissance du génocide vendéen de 1793-1794 » et récemment agité par le député MPF Dominique Souchet. Si l’article unique de la proposition de 2007 passait, il s’adosserait à la nouvelle loi votée en janvier 2012. On voit le risque : « sanctuariser des groupes de mémoire particulière,…[…]…parcelliser la mémoire collective et nationale, entretenir par ces lois qui divisent une guerre civile des mémoires » (Pierre Nora) et menacer la République, une et indivisible.

La loi réprimant la contestation des génocides reconnus par la République française est attaquée devant le Conseil constitutionnel car « le Parlement n’est pas un tribunal de l’histoire mondiale » (Robert Badinter). Les sages diront le droit et censureront peut-être la loi, le président de la République a d’ores et déjà annoncé qu’il déposerait, dans ce cas, un nouveau texte de loi sur les génocides.

Plus que jamais, au moment où l’on supprime des heures d’enseignement d’histoire dans le secondaire, défendons la liberté de la recherche en histoire comme en sciences, la liberté de penser et celle de s’exprimer.

Florence Regourd


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