"Aux sources de la République" - La Commune est toujours vivante : premiers textes des communications

de Marc Blondel, Marie Guermont, Martine Brunet, Jean-Marc Schiappa, Florence Regourd , Olivier Francomme, Claudine Chevreau
samedi 3 décembre 2011
par  lpOise
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– ci dessous : la communication de Marc Blondel
– en fin de page : les liens vers les communications en format pdf des orateurs cités et un document qui comprend des liens vers les enregistrements mp3 du 20 novembre

Citoyens, citoyennes,

Comme chacun le sait, j’utilise cette appellation de manière régulière, mais il faut constater qu’à l’occasion de cette contribution au colloque organisé par la Fédération de l’Oise de la Libre Pensée avec le concours de conférenciers compétents sur la Commune de Paris à l’occasion du 140ème anniversaire de cet important évènement, c’est faire preuve d’opportunité, d’autant que je suis appelé à plancher sur le thème du combat pour la République pendant la Commune, sujet particulièrement dense auquel j’apporterai une modeste contribution, mais sujet qui lui aussi encore renvoie à la citoyenneté. Le terme prend ainsi tout son sens.

A l’occasion de ce 140ème anniversaire la ville de Paris qualifiait cet évènement de « cri parisien qui est rentré dans l’histoire ».

Il est évident que cette révolte ayant pris naissance devant l’hôtel de ville où furent organisées l’une des premières barricades tenues par les communards, il est difficile de l’oublier.

C’est dire l’importance que représente cet héritage pour les élus de la capitale et je n’hésiterai pas à affirmer que la commune de Paris a fait plus que « la ville lumière »ou « le gai Paris » pour la renommée internationale de notre pays dans les milieux sociaux, politiques voire intellectuels.

Pour les historiens, théoriciens et sociologues, la commune de Paris est l’image d’une France rebelle refusant la soumission et un moment crucial et une tentative pratique de la révolution sociale voire libertaire et socialiste.

Il suffit de lire Lénine, Trotski et Karl Marx pour s’en convaincre.

Nous sommes en 1871, au lendemain de la signature par le gouvernement de défense nationale qualifié de capitulateur, de l’armistice avec les prussiens, les élus parisiens sont des républicains. Mais au niveau national, la majorité est monarchiste et cléricale, elle a confié l’exécutif à Adolphe Thiers. De Bordeaux où elle s’était réfugiée, elle s’installe, après la ratification des préliminaires de paix qui abandonnent l’Alsace-Lorraine, à Versailles.

Paris compte 1.850.000 habitants, soit 5% de la population française, elle est déjà le produit d’une forte immigration¸36% sont d’origine parisienne, 58% originaires de la province et 6% sont étrangers. 70% des parisiens vivent de l’industrie et du commerce.

Si je m’arrête sur la composition sociale de la population parisienne à cette époque, c’est que le petit peuple, comme on disait en ce temps là, sera l’acteur principal de la tragédie, peuple poussé à l’insurrection par la misère, par la souffrance, par l’ardeur d’un patriotisme déçu et par l’espérance, quelque peu abandonnée, de la tradition révolutionnaire.

Mais peuple de travailleurs qualifiés cantonnés dans ses espérances par la politique intransigeante d’une assemblée réactionnaire et peuple animé par le rêve d’un monde meilleur.

Que réclamaient-ils ces camarades de toutes origines, de toutes formations, d’engagements divers, une République démocratique et sociale, le droit d’expression et la dignité.

Quel programme : du pain et un toit pour tous, la justice, la solidarité sociale, la reconnaissance de leurs droits, leur dignité et, bien entendu, la liberté.

Citoyens citoyennes, si nous n’étions pas en période électorale, si la Fédération nationale de la libre pensée était un parti ou un syndicat, j’oserais dire qu’il s’agit d’un programme d’actualité.

Il me semble opportun de ne pas en rester à la composition sociale de la capitale, le second empire, sous la pression de Napoléon III et afin de maitriser la croissance numérique de la ville dont l’augmentation démontre la vétusté et l’insuffisance des équipements et des logements et chose d’importance, l’objectif d’aménager le terrain afin de permettre aux forces de l’ordre de se déplacer et de se déployer en cas d’émeutes, il confie à Georges Haussmann la modernisation de la capitale. Soyons honnêtes, l’Empereur répondait aussi au problème de surcharges démographiques de la ville et à l’essor de l’activité industrielle afin de réduire le chômage.

Notons au passage que la notion de grands travaux que l’on qualifie de concept collectiviste voire socialiste, était déjà dans l’esprit de Badinguet et d’une certaine façon il souhaitait contrôler l’émigration, même intra métropole.

Cette modification du plan et du paysage de la ville va localiser des entreprises composées d’environ 25.000 entreprises artisanales, de 2 à 10 salariés et de 7000 plus importantes, mais rare sont celles qui dépassent 50 unités.

Les travaux Haussmann provoqueront, parfois avec réticence, des « délocalisations » et caractérisent ainsi certains quartiers voire arrondissements.

Ce rappel succinct de la composition géographique et sociale de Paris doit être complété par le statut administratif de la ville.

Soyons clairs, les vingt maires d’arrondissements et leurs adjoints, ont un rôle plus que limité : responsabilités de l’Etat civil, du fonctionnement des bureaux de recrutement militaires, des élections, des écoles et de bienfaisance.

A l’hôtel de ville siège un Conseil municipal qui est consultatif.

En fait, le maire est le Préfet de la Seine, il a donc compétence pour gérer le budget, diriger les travaux d’urbanisme, contrôler l’instruction et l’assistance publique.

Le Préfet de Police, quant à lui, s’occupe de la sécurité des personnes et des biens, il a 6000 sergents de ville sous ses ordres et 80 commissaires de quartiers et des centaines d’inspecteurs.

C’est donc le gouvernement qui nomme et révoque les autorités de la ville, du Préfets aux maires et adjoints d’arrondissements et les membres du Conseil municipal.

Des fonctions complémentaires dites élitaires, sont assumées, sur décision, par des notables.

Deux constats :

C’est l’État qui administre Paris, le peuple et les travailleurs sont quasiment ignorés.

La tutelle est justifiée par la peur d’un contre pouvoir révolutionnaires comme ce fut le cas en 1792 et 1794.

C’est dans ces conditions que va éclater, à la suite du comportement soumission de l’Empire une expérience démocratique et sociale qui sert maintenant d’exemple.

La Commune, comme le rappelle notre camarade Jean-Marc SCHIAPPA, ce sont les comités de délégués élus et révocables – en russe cela serait « soviet », ces mouvements repris en Russie en 1905 et en 1917 se sont exprimés sur la commune de Berlin en 1919, de Canton en 1927, des comités gouvernements en Espagne en 1936 voire la révolution des conseils de Hongrie en 1956.

Il n’est pas un comité de grève actuel qui consciemment ou inconsciemment, ne réponde Ã  cette démocratie directe, l’élection et la révocation.

Je voudrais indiquer la richesse et la variété des décisions qui furent prises, du fonctionnement des services publics, à la question du logement, les soldes et pensions, le décret sur les monts de piété, la promotion des coopératives ouvrières de production et la compétence des chambres syndicales ouvrières pour la gestion des ateliers abandonnés et cela nonobstant le respect de la propriété privée puisque, et on peut le regretter, il y eut un refus explicite d’exproprier les entrepreneurs capitalistes et tout cela avec l’organisation du ravitaillement des parisiens.

On retrouve ainsi, à l’analyse, les notions de liberté, d’égalité et de fraternité et leurs déclinaisons pratiques, le droit d’organisation et d’expression pour tous.

C’est donc en situation de guerre que les communards ont mis en place des mécanismes de gestion démocratique, la révolte utilisée comme moteur de l’histoire, de démocratie et de liberté.

On peut, par provocation, faire le parallèle avec le comportement de l’autorité en 1940 et la politique collaborationniste du gouvernement sous Pétain et sa volonté de dissoudre les organisations se référant à la classe ouvrière et pratiquant la lutte des classes.

J’affirme, ici, que c’est la Commune de Paris qui a conduit, quelques années plus tard, à la création de la première organisation syndicale en France sous la conjonction de l’industrialisation et que naît la notion de classe sociale.

J’affirme enfin, et personne ne s’étonnera de ce constat, que la Commune fut l’occasion d’une expression des sentiments religieux et antireligieux considérés, à juste titre, comme instrument de soumission.

Ainsi, Caulet du Tayac, journaliste républicain, déclarera devant ses juges en décembre 1871 « je suis athée, socialiste et révolutionnaire. Athée, parce qu’en fouillant les annales des peuples à l’université, en considérant les événements contemporains, j’ai conclu que chaque fois qu’on avait eu du sang à verser, une grande iniquité à commettre, on s’était abrité derrière une divinité quelconque. Sociale parce que je veux l’affranchissement du travail, comme je veux l’émancipation de l’idée. Révolutionnaire, parce que je crois que le moment est venu de faire prévaloir quand même la justice et la vérité ».

D’autres, plus praticiens, mettront en place un établissement d’éducation laïque. Ferdinand Buisson, alors membre de l’A.I.T., ouvre une maison d’éducation pour les orphelins de la République, véritable école laïque qui veut délivrer une éducation sincère et intégrale, il remet en cause l’enseignement de l’histoire Sainte à l’école primaire.

Il rompt ainsi avec la pratique qui voyait les plus démunis des démunis et les orphelins, confiés à l’église.

On note enfin que la Commune préconisera un service militaire obligatoire pour tous dans la garde nationale, la séparation des Eglises et de l’Etat, la laïcisation des écoles, l’instruction gratuite, l’éducation professionnelle et intégrale, principes qui trouveront leur réalisation dans la IIIème République.

On sait comment cet arc-en-ciel de la liberté s’est terminé, la répression fut sanglante.

On peut parler de rafle, d’assassinat, et du sort des prisonniers, de la répression judiciaire pour les 4500 personnes, hommes et femmes, qui sont condamnés aux travaux forcés ou à la déportation et près de 5.000 communeux qui ont fuit à l’étranger. Pendant la conquête versaillaise, ceux-ci massacrèrent 30.000 citoyens et ordonnèrent 100.000 déportations et bannissements.

Bien entendu les insurgés jugés les plus dangereux, seront condamnés, après un débat réputé contradictoire, par les conseils de guerre et de nombreux citoyens doivent purger une peine de détention pour avoir proféré des cris séditieux, manifesté sur la voie publique, voire porté des drapeaux rouges.

Sur le plan juridique et en guise de sanction et de soumission, pendant plus d’un siècle les maires d’arrondissements seront des fonctionnaires nommés par l’État. Le Président du Conseil municipal fut privé de pouvoir de maire et l’hôtel de ville reconstruit après l’incendie est passé sous le contrôle du Préfet de la Seine et du Préfet de police.

Les parisiens à nouveau n’étaient plus considérés comme des citoyens, ils étaient assimilés aux peuples des colonies.

Paris, la rebelle, Paris payait cher son espérance républicaine et sociale.

De nombreux militants, comme des inconnus, ont pris part à ces combats et ont défini les bases d’une société de liberté.

Au milieu de tous ces hommes et femmes communards et fiers de l’être et qui l’ont chèrement payé, j’ai, je l’avoue, engagement syndical oblige, une pensée pour Eugène Varlin.

Parmi les éléments et comportements qui ont contribué, par leur projection, à la consolidation de la République, il nous faut mettre en exergue la laïcité.

C’est la Commune qui décrète la laïcisation des services publics, y compris l’école, je ne reviendrai pas sur Ferdinand Buisson qui indiquera, par la suite « bien des enfants avaient appris le chemin de l’école ».

Et si l’histoire retient la loi de 1905 comme celle ayant défini la laïcité de l’enseignement, c’est en 1871 que sera décrétée la séparation des Églises et de l’État, la suppression du budget des cultes et la nationalisation des biens appartenant aux congrégations religieuses. Ce sont les considérants de la Commune que je cite :

« Considérant que le premier des principes de la République française est la liberté ; considérant que la liberté de conscience est la première des libertés ; considérant que le budget des cultes est contraire au principe, puisqu’il impose les citoyens contre leur propre fois ; considérant, en fait, que le clergé a été le complice des crimes de la monarchie contre la liberté … »

Notons que la Commune de Paris a décrété la séparation de l’Église et de l’État mais aussi la séparation des Églises et de l’école.

Elle a ainsi préparé en quelque sorte les grandes décisions de la IIIème République.

Il est une donnée que certains passent sous silence c’est la pratique de l’égalité entre les hommes et les femmes. Certes bien des historiens citent des femmes telles que Louise Michel qui ont participé à la Commune, mais le pouvoir communaliste, est le produit des tendances républicaines voire révolutionnaires qui avaient quelques différences.

Il y eut de nombreux conflits mais l’accord fut trouvé entre le mandat impératif et la révocabilité des élus, donc le contrôle du pouvoir par l’opinion publique.

Et il est pratiquement impossible de dénombrer le nombre de personnes qui ont pris une part active à l’ensemble des activités, y compris militaires.

La Commune de Paris donnera lieu à une expression artistique dense et variée, je m’autoriserai à citer un commentaire sur l’Internationale que Pottier écrivit dès 1871, révélateur en la matière.

L’Internationale

La Place exemplaire de l’Internationale, que Pottier écrivit dés 1871 se justifie parce qu’elle est devenue l’hymne des révolutionnaires dans les années 1900 et l’est restée jusqu’à nos jours ; traduite dans toutes les langues, elle est aujourd’hui une sorte de trait d’union entre la Commune de Paris, dont Lénine disait qu’elle était le premier État ouvrier, et tous les mouvements ouvriers révolutionnaires du monde, à travers et le temps et l’espace.

Si on reprend l’un après l’autre chacun des couplets, on y retrouve pratiquement tous les thèmes que nous avons déjà vus avec en plus des idées qui auront, elles aussi, un grand avenir dans l’idéologie socialiste en France pendant la période qui suit la Commune : nous en avons noté trois : le fait que le prolétariat ne se libérera que par sa propre force et ne doit en aucun cas compter sur l’intervention d’un chef providentiel ; c’est la conséquence des ravages qu’avait fait la démagogie de Napoléon III, candidat à la présidence de la République, qui avait écrit de l’extinction du paupérisme, démagogie qui avait même trompé une partie de la gauche de 1848 :

« Il n’est pas de sauveur suprême,

Ni Dieux, ni César, ni tribun,

Producteurs, sauvons-nous nous-mêmes »

Il y a aussi sans doute une attaque contre certains « révolutionnaires » qui cherchaient à se présenter comme des « tribuns » placés au-dessus du peuple et des partis. Le refus de la guerre ensuite, dans l’avant dernier couplet, pacifisme et antimilitarisme qui vont marquer la gauche français jusqu’en 1914 en particulier dans les décisions du congrès de Bâle de l’Internationale Socialiste qui défendra avec énergie Jean Jaurès et qui sera le point sur lequel Lénine s’appuiera pour dénoncer la trahison de la deuxième internationale ; c’est la conséquence la plus directe de l’internationalisme de la Commune de Paris (un ouvrier Hongrois Léo Frankel avait été élu au Comité Central de la Commune) ; l’idée est la suivante : ce sont les exploiteurs qui veulent la guerre, le prolétariat lui a intérêt à faire la paix pour lutter uni contre les bourgeoisies quelque soit leur nation : (4ème couplet)

« Les rois nous saoulaient de fumées,

Appliquons la grève aux armées

Crosses en l’air, et rompons les rangs ! »

Enfin nous trouvons l’idée de la nécessité d’un parti des travailleurs qui soit capable de réunir, sous la même bannière, ouvriers et paysans ; en un mot ceux qui travaillent. C’est l’illustration du principe exprimé dans le manifeste du parti communiste de Marx et Engels : à chacun selon son travail :


« Ouvriers, paysans, nous sommes

Le grand parti des travailleurs 

La terre n’appartient qu’aux hommes

L’oisif ira loger ailleurs »

Marc Blondel


Le temps des cerises par Claudine Chevreau

Le temps des cerises


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