140 ème anniversaire de la Commune de Paris

samedi 16 juillet 2011
par  Lp 85
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Citoyennes, citoyens, cher(e)s Ami(e)s, cher(e)s camarades,

Merci à vous d’être venus participer à l’hommage aux Communards internés en Vendée à l’île d’Yeu et ici au château de Noirmoutier.
La fédération de Vendée de la Libre Pensée tient donc à célébrer la Commune de Paris de 1871 dans ce troisième temps après le rassemblement rue Louise Michel à La Roche sur Yon et la conférence de Forence Regourd « sens et interprétations de la Commune ».

Nous estimons qu’il est nécessaire de célébrer la Commune et ses réalisations, et donc les hommes qui l’ont instaurée, qui ont élaboré et réalisé pour partie son programme. Ce sont également ces hommes et ces femmes qui ont été victimes d’une des plus sanglantes répressions dans l’histoire. Mais pas dans n’importe quelle histoire ! Celle du mouvement ouvrier, celle des « sans-voix » celle du peuple qui décide par lui-même de son avenir.
Notons au passage qu’un élève de collège ou de lycée risque de ne jamais entendre parler de cette Commune de Paris, les programmes ayant été édulcorés au fil des années !

Permettez – moi de rappeler quelques unes de ces réalisations qui ont ouvert la voie pour d’autres à la base de l’émancipation des peuples.
l’abolition de la conscription,
moratoire sur les loyers et les dettes,
rétablissement du droit au divorce…
Séparation des Eglises et de l’Etat par la suppression du budget des cultes,
l’instruction primaire gratuite et laïque, donc Ecole publique, gratuite, pour tous, filles et garçons, hors des dogmes religieux,
Nomination d’instituteurs publics,
Démocratie : révocabilité à tout moment des délégués élus,
Pour la plupart, elles seront réalisées partiellement ou en totalité par les gouvernements ultérieurs de la République

Et remontons un peu plus dans le temps en nous penchant sur quelques unes des causes : naissance des idées socialistes depuis quelques décennies, développement de concentrations industrielles, population d’ouvriers et d’artisans de tous métiers dont la vie est dure ; la défaite de 1870, la chute de l’Empire, le siège de Paris par l’armée prussienne, la décapitalisation de Paris au profit de Versailles pour préparer manifestement le retour de la monarchie, attisent encore plus la volonté de se dégager de ces régimes liberticides. L’élément déclencheur est la décision du gouvernement Thiers d’exiger que la garde nationale donne ses canons ( payés par souscription !). Il s’agit de désarmer le peuple de Paris !
Le Comité central de la Garde Nationale remet au peuple de Paris l’élection d’un Conseil de la Commune.
92 membres élus le 26 mars constituent ce « gouvernement » communal. 25 sont des ouvriers, 34 sont membres de l’Association Internationale des Travailleurs comme Eugène Varlin, ouvrier relieur.

Certains sont connus comme Henri Rochefort, Charles Delescluze et Jules Vallès, journalistes, Gustave Courbet, artiste peintre, Jean-Baptiste Clément, chansonnier…

D’autres sont totalement inconnus.
C’est le cas de Jules Allix.
Né à Fontenay-le-Comte le 9 septembre 1818 d’un père marchand quincailler, licencié en droit et professeur, il a pourtant un passé de « militant ». Il s’était présenté à l’Assemblée constituante en 1848 comme « communiste ». Banni en 1853, il côtoie Victor Hugo proscrit à Jersey. De retour en France, il passe pour un illuminé, inventeur plus ou moins fantasque mais également auteur de vrais projets pédagogiques et sociaux. Actif à Belleville en 1869 dans un Comité démocratique-socialiste, on le retrouve aussi durant le siège de Paris ; il organise des réunions de femmes où l’on rencontre quelques unes des futures Communardes comme André Léo et Elisabeth Dmitriev.
Chef de la VIIIème légion de la garde nationale et maire du VIIème arrondissement, il est élu membre du Conseil de la Commune.

Ce dernier met en place un régime nouveau, la Commune qui va résister 72 jours !
Nous avons rappelé quelques noms de ces hommes et femmes courageux : Eugène Varlin, Jules Vallès, Louise Michel qui fera montre d’un courage particulièrement exemplaire tant en se livrant aux versaillais en échange de la liberté de sa mère, que pendant son procès en conseil de guerre.
Nous avons évoqué, et rendons-leur hommage ici, les Communards nés en Vendée. Comme de nombreux autres, ils avaient quitté la Vendée pour Paris, pour y trouver du travail, de meilleures conditions d’existence. On a déjà cité Jules ALLIX. D’autres, plus modestement ont participé notamment parce qu’ils étaient membres de la garde nationale. Tous sont représentatifs de ce peuple de parisiens encore provinciaux quelques années auparavant.
C’est une situation inacceptable pour le gouvernement Thiers. Celui-ci s’organise à Versailles. Et qui dit s’organiser dit surtout sur le plan militaire. Les Prussiens iront donc jusqu’à libérer des prisonniers de guerre pour peu qu’ils rejoignent l’armée versaillaise.

Après quelques attaques en avril l’offensive est déclenchée le 21 mai. Elle durera une semaine. La répression est terrible, ceux qui sont pris sur les barricades, à proximité, qui ont peu ou prou des traces de poudre sur les mains sont immédiatement fusillés. Les autres seront regroupés dans divers lieux dont le camp de Satory, en attendant les conseils de guerre. Car ce sont les militaires qui sont chargés de cette besogne. Accoler justice et militaire n’a jamais été heureux dans l’histoire, la guerre de 1914-1918 en a été ultérieurement un dramatique exemple. Rappelons que la Libre Pensée exige toujours la réhabilitation de tous ces malheureux « fusillés pour l’exemple » dans cette immense boucherie !

Cette semaine sanglante de mai 1871, c’est 30 000 fusillés sur place.
Le sort des Fédérés (du nom de la Fédération républicaine de la Garde nationale le mur du cimetière du père LACHAISE en conserve le nom) ne laisse aucune illusion dans les affrontements avec les forces « versaillaises ».
Donc, dès ce mois d’avril, des gardes nationaux et des Communeux comme ils s’appelaient eux-mêmes, sont tués, exécutés sur place ou arrêtés et internés. Ainsi : par exemple Jules CARDIN, né le 11 octobre 1811 à Luçon, ouvrier relieur, marié, sans enfant, passé au 268 ème bataillon de la Garde nationale, est fait prisonnier à Issy le 2 mai. Il est interné à la citadelle du Château d’Oléron le 6 mai, jeté dans les basses fosses puis au fort des Saumonards sur l’île d’Oléron, dans les casemates. Il est renvoyé à Versailles pour son procès en décembre et condamné en 1872 à 3 ans de prison et 10 ans de privation des droits civiques.

Donc 36 000 Communeux sont arrêtés en attente des conseils de guerre. Officiellement sont dénombrés 34 607 hommes, 1051 femmes et 651 enfants. On compte 1745 étrangers.

Parmi ceux-là certains sont envoyés dans les forteresses de l’Atlantique dans l’attente d’un procès ou en cas de condamnation, en attente pour un départ vers les bagnes notamment de Nouvelle-Calédonie.
Entre 40 et 60 000 prisonniers sont considérés comme de dangereux insurgés. En attendant la tenue des procès et les verdicts que prononcent à partir d’août les 23 conseils de guerre, on parque les prévenus à Versailles, dans les casernes, les maisons d’arrêt, les dépôts, dans les caves de l’Orangerie ou des Grandes Ecuries…

Et comme on manque de place, des convois partent de la gare de Versailles-Chantiers vers les forts de la côte atlantique. Chaque convoi entasse près de 600 prisonniers dans des wagons à bestiaux

25 200 prévenus sont internés dans les forts ou dans des cages sur les pontons de navire mouillés en rade, dans tout l’Ouest. 5 500 le sont dans l’arrondissement maritime de Rochefort où une série de forts protègent l’embouchure de la Charente et le port militaire.
Sur l’île d’Oléron : la citadelle du Château et le fort des Saumonards servent de lieux de détention ; sur l’île d’Aix : le fort Liédot et le fort de la Rade ; sur l’île de Ré : la Citadelle et en mer, le fort Boyard et celui d’Enet ; enfin le fort de l’île Madame face à l’embouchure de la Charente.

Rappelons ici l’initiative de nos camarades de la Libre Pensée de Charente-Maritime. Il y a quelques années ils ont voulu rappeler la mémoire de ces Communards internés à Rochefort et à l’île Madame. Une plaque est désormais présente sur l’ancienne prison de Rochefort.

parmi ces détenus, quelques uns sont nés en Vendée : Par exemple
Jean Bardet, né le 13 février 1819 à Luçon, sellier-bourrelier, célibataire, engagé au 90 ème bataillon de la Garde nationale est arrêté le 28 mai. Il est incarcéré le 3 juin au fort Boyard, transféré le 19 septembre au fort des Saumonards et dirigé sur Versailles fin janvier 1872. Condamné à la déportation simple, il travailla comme bourrelier à la presqu’île Ducos en Nouvelle-Calédonie où il mourut le 18 août 1872.

Augustin Bigot né le 6 juin 1832 à Beaurepaire, saltimbanque, célibataire, au 220 ème bataillon fut arrêté le 23 mai et incarcéré au fort Boyard en juin puis transféré en septembre sur les pontons du navire L’Orne. Bénéficiaire d’un non-lieu, il fut libéré en octobre. L ’Orne fut la première frégate à recevoir des prisonniers. Equipée pour le transport des forçats en Guyane et Nouvelle-Calédonie, elle disposait de cages et de prisons dans ses batteries. Chaque cage pouvait contenir 80 prisonniers. Le fort Boyard est le plus connu des ouvrages fortifiés de l’arrondissement de Rochefort. Ce fut un des plus terribles aussi, l’insalubrité, le scorbut y firent des ravages.

Pierre Budaille, né le 18 janvier 1836 à Saint-Nicolas de Brem, instituteur, veuf et père d’un enfant, était connu des milieux d’opposition à l’Empire puisqu’il était qualifié de « communiste » pour des propos tenus dans les clubs de Belleville en 1869. Il fut même condamné pour « complot contre la sûreté de l’Etat ». Contraint à s’exiler, il revint en décembre 1870, s’engagea dans les mobiles de la Vendée pour la campagne de la Loire. Malgré des positions confuses durant la Commune, il fut arrêté en juin et condamné un an plus tard à la déportation dans une enceinte fortifiée à la presqu’île Ducos.

François Brousseau, né le 11 juillet 1815 à Saint-Mars la Réorthe, ouvrier boulanger, appartenant au 121ème bataillon, fut arrêté le 22 mai. Incarcéré à l’île d’Aix début juin puis transféré à l’île Madame, en août au fort des Saumonards puis au Château d’Oléron, il illustre bien le « vagabondage » des communards internés. Certains feront ainsi plus de 10 prisons. Brousseau fut libéré sur non-lieu en février 1872.

Joseph Citeau, né à Noirmoutier-en-l’île le 30 mai 1824, cordonnier, marié, sans enfant, franc-maçon engagé dans la XVIIème légion d’artillerie, fut arrêté fin juin et interné au dépôt de Versailles début juillet. Placé sur une vieille frégate à voiles L’Iphigénie le 6 juillet avec 400 autres insurgés, transféré le 12 octobre au Château d’Oléron et remis à la prison du fort d’Issy le 27 novembre. Le 10ème conseil de guerre le condamna en janvier 1872 à la déportation simple et à la dégradation civique. Il fut remis au Lama, un navire de servitude assurant le transport des forts et des pontons vers le port de La Rochelle.

Armand Marnier, né le 19 novembre 1830 à Bournezeau, menuisier, célibataire, au 191ème bataillon, arrêté le dernier jour de la Commune le 28 mai, arrive au fort Boyard en juin. Evacué à l’hôpital de l’île d’Aix, il y meurt le 7 septembre 1871. Comme d’autres, il n’a pas supporté les conditions de détention : couché sur la paille remplie de puces et de vermine, dans l’humidité et la compagnie des rats, manquant d’air, de lumière avec pour toute nourriture un peu d’eau et du bouillon de haricots, quelques biscuits, un peu de viande le dimanche ou du lard salé…Mais, comme l’indiquent les gardes-chiourme « il n’y a pas de plainte pour la nourriture, les conditions sont satisfaisantes » !

Auguste Perray, né le 30 juin 1841 à Cugand, forgeron, est incarcéré à l’île d’Aix en juin et libéré en octobre sur non-lieu.

Dans l’arrondissement maritime de Cherbourg, ce sont encore 5 500 prévenus qui sont « accueillis », 13 000 à Brest et plus de 4000 dans l’arrondissement de Lorient dont dépendent le fort de Pierre Levée à l’île d’Yeu et le château de Noirmoutier.
Bien que les registres d’écrou aient été perdus car les archives de l’arrondissement maritime de Lorient ont brûlé, on estime à près de 900 communards le nombre de détenus politiques- ils sont enregistrés sous cette dénomination- qui sont passés entre 1871 et 1872 dans ces deux derniers lieux de détention vendéens.
Si l’on a du mal à estimer le nombre de prisonniers internés en Vendée, les chiffres annoncés par Versailles ne coïncidant pas toujours avec le nombre des arrivées constatées, on dispose de certitudes avec les listes nominatives d’insurgés ayant bénéficié d’un non-lieu délivré entre septembre 1871 et février 1872, 86 venant de Noirmoutier, 291 de l’île d’Yeu. Il faut y ajouter une liste d’insurgés dont l’identité est partiellement connue et d’autres qui ont reçu un mandat d’amener, ce qui porte à 448 le nombre de Communards internés en Vendée et qui bénéficièrent d’une ordonnance de non-lieu prononcée par un conseil de guerre. Comme la plupart d’entre eux ne dispose d’aucune ressource, le Préfet requiert la Compagnie de chemin de fer de la Vendée pour les acheminer des Sables d’Olonne à La Roche-sur-Yon par exemple, le 12 octobre 1871. Ces détenus dont 357 sont qualifiés d’indigents, reçoivent un secours pécuniaire à leur libération, échelonnée entre le 10 septembre 1871 et le 6 février 1872.
Le Service éducatif des Archives départementales de Vendée en a dressé une étude synthétique. L’âge de ces Communards s’échelonne entre 13 ans pour le plus jeune et 73 ans pour le plus vieux, les plus nombreux se situant dans la tranche des 30-40 ans. De très nombreuses professions sont représentées, les plus fréquentes étant cordonnier, journalier, menuisier, employé de commerce, serrurier, ébéniste, tailleur d’habits, peintre et charpentier. D’une manière générale, on y retrouve la composition du petit peuple parisien.

Pour ces 448 Communards libérés, on ne connaît pas leur sort à part quelques rares cas où l’on constate le retour au domicile ou une nouvelle vie tentée ailleurs. Pour les Communards nés en Vendée, on a cité dans les exemples fournis plus haut leur devenir. Certains condamnés à la déportation comme Budaille, se sont installés à leur retour. L’amnistie partielle a été prononcée en 1879 et l’amnistie totale en 1880. Pierre Budaille a fondé une école à Rochefort en 1882. Auguste Perray s’est retiré à Paris.
Quant à Jules Allix, membre du Conseil de la Commune dont l’activisme indisposa ses administrés du VIIIème arrondissement, malgré l’établissement d’une cantine, la création d’écoles laïques, la gratuité des fournitures scolaires…le Comité de Salut public constitué en mai le retint à l’Hôtel de Ville, le désavouant en quelque sorte. Arrêté par les Versaillais fin mai, il fut d’abord interné à Charenton puis condamné le 17 juillet 1872 à la déportation en enceinte fortifiée. Il quitta l’asile en 1876 et fut amnistié en 1879. Mort en 1897, il laissait de nombreuses brochures développant ses théories politiques, éducatives et sociales.

Notre bulletin départemental relate plus en détails leur histoire.

Pour conclure, citons Victor Hugo : « Le cadavre est à terre, mais l’idée est debout ! ». Car non seulement l’idée est debout, mais elle sera concrétisée par des réalisations dans les décennies qui ont suivi. Il en est ainsi des lois scolaires laïcité gratuité , obligation (mais seulement pour l’enseignement primaire) ; de même pour le divorce, et ultérieurement en 1905 la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat caractérisée par ses deux premiers articles.

La révocabilité des délégués élus ne semble pas encore avoir trouvé de réalisation concrète ! Mais les progressions de la démocratie viendront bien à la mettre en Å“uvre !
Cette démocratie est mise en avant par tous les peuples. Les révoltes et révolutions du proche et moyen-Orient se font aux accents de 1789 et de la Commune, revendiquant liberté, démocratie et laïcité.
La Séparation des Eglises et des Etats est à l’ordre du jour, internationalement.
C’est pour regrouper les associations de nombreux pays qui mettent en avant cette nécessité pour la liberté absolue de conscience, que le 10 août sera créée à Oslo l’association internationale de la Libre Pensée.

Alors, Que Vive La Commune !
Affirmation confirmée par cette actualité brûlante
Tout ça n’empêche pas, Nicolas, qu’la Commune n’est pas morte !
Encore une fois merci à vous tous qui êtes présents pour restituer la mémoire de ces Communeux,
merci à ceux qui n’ont pas pu venir et nous ont dit qu’ils soutenaient cet hommage.

Source : bulletin départemental de la Libre Pensée – Supplément au N° 62


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