Italie : prof d’histoire suspendu pour avoir enlevé le crucifix pendant ses heures de cours !

mardi 3 mars 2009
par  LpVar
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Ci-dessous l’info "brute" sur les mésaventures de ce professeur, et un point sur la question par Nicole Desautels, enseignante dans le Var.

Amis, collègues,

Un professeur d’histoire et littérature d’un lycée professionnel PUBLIC ITALIEN s’est vu interdire d’enseigner pendant 30 jours, avec la suspension de son salaire, par une décision du Conseil National de l’éducation Publique (Consiglio nazionale della pubblica istruzione).
Son crime ? Avoir enlevé le CRUCIFIX du mur pendant ses heures. Le prof. remettait le symbole religieux à sa place avant de quitter la classe (en Italie les élèves ont une classe pour tout l’année scolaire).
Le directeur de l’établissement, Giuseppe Metastasio, a dénoncé le prof. au Conseil National qui a été plus dur avec lui qu’avec les professeurs ou les maîtres accusés d’harcèlement sexuel envers des élèves (suspension d’un à 10 jours). Le prof. Franco Coppoli s’est défendu en s’appuyant sur la laïcité de l’Etat, la liberté d’enseignement et la liberté religieuse, mais la suspension a été confirmée par le Bureau Régional de l’Education.

En voici la reconstruction faite par le journaliste Salvo Intravaia de la Repubblica. Je vous ai indiqué le lien de l’article en italien.

http://www.repubblica.it/2009/02/sezioni/scuola_e_universita/servizi/prof-crocifisso/prof-sospeso/prof-sospeso.html

Je vous invite à envoyer une LETTRE de soutien au prof. Coppoli directement à son Ecole et/ou une lettre de protestation à la direction de l’Institut scolaire.

Istituto Professionale di Stato per i Servizi "Alessandro Casagrande"

Sede centrale(Indirizzo Economico Turistico e Grafico Pubblicitario)
piazzale Bosco, 3 - 05100 TERNI
Tel : 0744-404721
Fax : 0744-402235

e-mail :casella@istitutocasagrande.it(e-mail direzione)

Gian Marco Vidor

Quelques précisions sur le contexte de la présence de crucifix dans les salles de classe en Italie et en particulier de l’officialisation de sa réintroduction en 2002 par la célèbre ministre "la Moratti" du gouvernement Berlusconi* :deux lois stipulent que le crucifix doit être présent dans les salles de classe italiennes. Mais elles datent des années 1920 et ont été promulguées quand l’Italie était une monarchie et que fascistes exerçaient le pouvoir. Elles restent cependant techniquement en vigueur même si en1984, l’Italie a conclu avec le Vatican un nouveau concordat aux termes duquel le catholicisme n’est plus la religion d’Etat. La loi de 1984 stipulant même que le crucifix est compatible avec la laïcité de l’Etat !

Et la tradition est demeurée pendant des années, même si ici et là des crucifix avaient été retirés de nombreuses salles de classe. Mais c’est le gouvernement Berlusconi qui a relancé en 2002 l’idée d’une "réglementation claire" sur le sujet dans les écoles, en parallèle avec une proposition de loi de la ligue du Nord sur sa présence systématique dans tous les locaux d’administrations publiques "du parlement aux gares des chemins de fer". (voir détail ci-dessous). Une "directive" (2066 de décembre 2002) envoyée à tous les instituts publics italiens est venue rappeler le caractère obligatoire du crucifix dans les salles de classe. Protestants, juifs, musulmans ainsi que l’opposition de gauche comme centre gauche italiennes avaient alors protesté contre le retour de cet usage.Les années suivantes, il y a eu des conflits avec en particulier en 2004 une demande de parents musulmans de retrait de crucifix qui ont immédiatement entraîné des protestations solennelles du Vatican auprès de l’Etat Italien, mais le conflit, pas vraiment approuvé par la communauté musulmane, est rapidement retombé après invalidation de l décision de retrait prononcée par un tribunal. Le 15 décembre 2005, suite à un recours d’une mère de famille libre penseuse, une décision de la Cour constitutionnelle a tranché pour ne pas remettre en cause cette présence du crucifix dans les classes sans revenir sur la question de savoir si c’était compatible avec la laïcité de l’état italien. Avec ensuite un arrêt du Conseil d’état du 13 février 2006 qui soutient que le crucifix représente "le fondement originel des valeurs fondamentales de l’état italien " ce qui on s’en doute a réveillé le débat dans un pays où le crucifix est également présent dans les salles d’audience des tribunaux.

A signaler, un point juridique fouillé et abordant la question de la législation européenne au lien suivant :

http://m2bde.u-paris10.fr/blogs/dd/index.php/post/2008/03/04/Sur-la-presence-du-crucifix-dans-les-salles-de-classe-en-Italie-Consiglio-di-Stato-Sezione-VI-13-febbraio-2006-n-556-par-Flora-Beddouk

Pour faire le point Européen (sans doute incomplet et à actualiser) de la situation, l’Autriche a adopté un compromis, crucifix uniquement dans les classes comptant une majorité d’élèves de confession chrétienne ; la situation et très variée dans le pays d’Europe du Nord qui ont eu encore jusqu’à très récemment une religion d’état (luthérienne) dans leur constitution ; situation à suivre en Espagne après une jurisprudence de novembre 2008 ordonnant le retrait ; en Allemagne, encore des crucifix en Bavière ; plus de crucifix en Suisse et en Grèce. Rappelons qu’en France, l’exposition de signes religieux dans les espaces publics est interdite par la constitution (article 28) sauf dans les lieux de culte, les musées et les écoles d’Alsace Lorraine. (et au fait qu’en est-il des Antilles sous régime du concordat elles aussi ?)

Nicole

* la réglementation italienne de 2002 :

Le 18 septembre, jour duschool day(selon le « jargon d’entreprise » désormais habituel qui est à la mode dans le gouvernement italien), le ministre de l’Éducation nationale, Mme Letizia Moratti, annonce à la Chambre des députés : « nous sommes en train d’étudier les initiatives pour règlementer de manière claire et certaine l’exposition du crucifix dans les salles de classe ». Un crucifix dans toutes les salles de classe des écoles publiques italiennes. En se basant sur une sentence du Conseil d’État qui officialise son caractère pleinement constitutionnel, le ministre considère qu’il est juste d’assurer que le crucifix soit exposé dans les salles de classe « en témoignage des profondes racines chrétiennes de notre pays et de toute l’Europe ».

Cette annonce est suivie d’un débat houleux dans lequel apparaît une forte réaction à cette mesure, bien qu’avec des raisons et une intensité critique variables. Les réactions proviennent d’une bonne partie de l’opposition et, dans les heures qui suivent, des représentants d’autres groupes religieux en Italie, de nombreux intellectuels catholiques et même de certains évêques et prêtres.

En outre, l’annonce du ministre arrive, par une étrange coïncidence (!), en même temps que la présentation d’un projet de loi de la part de la Ligue. Il s’agit de la proposition réitérée d’un ancien projet de loi pour rendre obligatoire le crucifix dans tous les bureaux de l’administration publique, selon un principe simple : « mettons le crucifix partout, du parlement jusqu’aux gares ferroviaires ». Dans ce cas aussi, le crucifix est considéré comme « un symbole de la civilisation et de la culture chrétienne ». La liste des lieux où le crucifix devrait être exposé est impressionnante : « salles de classe, d’université et d’académie du système public, bureaux de l’administration publique, collectivités locales territoriales, salles des conseils régionaux, provinciaux et municipaux, et des communautés de montagne, sièges électoraux, établissement de détention et de peine, bureaux judiciaires, entreprises sanitaires et hospitalières, gares ferroviaires, gares routières, ports et aéroports, sièges diplomatiques et consulaires italiens, bureaux italiens à l’étranger ». La loi prévoit également, en cas de retrait du crucifix (« par haine pour celui-ci ») des sanctions sévères : « emprisonnement jusqu’à six mois ou amende de 500 à 1000 euros ». Le tout est présenté comme une réaction « Ã  l’intolérance des autres insolents qui ne respectent pas nosvaleurs » (déclaration de Federico Bricolo, sous-chef du groupe de la Ligue à la Chambre des députés et premier signataire de la proposition de loi).

Dans l’éventualité que l’objectif et le ton de l’initiative ne soient pas assez clairs, le journal du parti(La Padania)publie en première page, le 20 septembre, la photo d’une salle de classe vide où un homme est en train de fixer un crucifix au mur ou de le retirer. L’invitation qui accompagne l’image est la suivante : « Signalez-nous si la salle de classe de votre enfant a un crucifix ». La phrase qui l’illustre précise davantage la question : « Dans la salle de classe de votre enfant, y a-t-il un crucifix ou non ? Ou bien quelqu’un l’a-t-il fait retirer ? Qui, et pourquoi ? Nous attendons vos témoignages documentés… ».

Après des mois de polémiques pendant lesquels le gouvernement a émis des propositions puis fait marche-arrière, arrive enfin le tournant. Le projet de loi de la Ligue est pour l’instant écarté. Mais la question est résolue, pour ce qui est des salles d’école, par une directive – envoyée par le ministère de l’Éducation nationale à tous les instituts publics italiens : crucifix obligatoire en salle de classe et salles de méditation pour les étudiants et les enseignants qui veulent, quelle que soit leur religion, se retirer pour se recueillir en dehors des heures de cours.

Les dispositions données aux directeurs concernent l’obligation d’afficher le crucifix dans les salles de classe et de mettre en place un environnement à réserver aux élèves et aux enseignants « de différentes croyances et convictions » qui éprouvent le besoin d’un moment de « recueillement et de réflexion » (directive 2666, décembre 2002).
Nicole


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