CHARTE ORLÉANAISE DE LA LAÏCITÉ

Faisons le point à la veille des Fêtes de Jeanne d’Arc 2021
samedi 1er mai 2021
par  LP45
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Faisons le point à la veille des Fêtes de Jeanne d’Arc 2021.

L’objet du litige

Le 10 décembre 2020, le conseil municipal d’Orléans adopte une Charte de la laïcité avec les voix LR/UDI qui, dans la droite ligne du projet de loi dit "contre le séparatisme" porté par la droite parlementaire, réserve les subventions "aux associations qui s’engagent expressément à respecter les valeurs et principes de la république". Malgré une forte opposition à l’alinéa 2 de l’article 7 qui prévoit une exception à la laïcité lors de la messe solennelle célébrée le 8 mai dans le cadre des fêtes de Jeanne d’Arc :

Article 7 : Dès lors qu’ils portent les effets distinctifs de leur fonction, les élus s’astreindront au strict respect de la neutralité républicaine lors des cérémonies religieuses. (Alinéa 2) Le caractère national, historique et exceptionnel des fêtes johanniques constitue la seule exception à cette règle.

L’Observatoire de la laïcité, saisi par le PS, rend sa décision le 21 décembre : " Le principe de laïcité ne connait pas d’exception liée à un quelconque "caractère national, historique et exceptionnel".

La loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l’État de 1905 est rappelée par le président du Laboratoire Loiret de la laïcité, Gilles Kounowski : "Le droit de la laïcité est clair à ce sujet, un(e) représentant(e) de la République ne peut assister, et a fortiori participer, à une cérémonie religieuse, revêtu(e) des attributs de sa fonction (son écharpe essentiellement)." "Le juge administratif a néanmoins admis une exception à cette obligation républicaine lorsqu’un événement à caractère historique et culturel intègre une manifestation cultuelle", précise t-il cependant. C’est le cas des Fêtes de Jeanne d’Arc à Orléans. Mais il faut bien comprendre que, dans ce cas, les élu.e.s peuvent assister en tant que tels (c’est-à-dire avec les attributs de leur fonction) à une messe mais doivent rester neutres : en aucun cas ils ne peuvent témoigner de leur foi personnelle par la prière ou la communion, comme le laisse entendre l’alinéa 2. On se souviendra du général de Gaulle qui n’a jamais communié quand il portait l’écharpe tricolore.

Actions en cours

Baptiste Chapuis, conseiller municipal socialiste, avait écrit, pour contester l’alinéa, à la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, qui lui répondait, deux mois après, qu’elle transmettait son courrier au Ministère de l’Intérieur. Le 19 mars, le directeur de cabinet de Gérard Darmanin l’informe que la Préfète de la région Centre-val de Loire, Régine Engström, a été chargée d’instruire sa demande. Exercer le contrôle de légalité sur les délibérations des conseils municipaux est en effet du ressort et du devoir de la Préfecture. Si la Charte n’est pas conforme aux textes, il lui appartient d’adresser un recours gracieux au maire d’Orléans pour retrait ou modification, et en cas de refus, de déférer l’acte et en demander la suspension au juge administratif.

La préfecture indique, comme en fait état la République du Centre à la mi-avril, qu’une première analyse a été portée à la connaissance du maire d’Orléans. Sa teneur n’est pas connue et le maire, Serge Grouard, président de la fédération LR du Loiret, ne souhaite pas communiquer sur le sujet.

Le mieux est l’ennemi du bien

La Charte orléanaise fait désordre alors que le " Projet de loi confortant le respect des principes de la République", dont le but déclaré est de renforcer la laïcité et la neutralité des services publics, vient d’être présenté en Conseil des Ministres le 9 décembre. Il étend l’obligation de neutralité de la loi de 1905 aux agents des organismes de droit privé chargés d’une mission de service public. Un amendement du Sénat l’étendra ensuite aux accompagnateurs de sorties scolaires des établissements publics. Évidemment il visait à interdire le port du voile des mères musulmanes en France et voilà qu’à Orléans, la prière et la communion des élu.e.s catholiques aux fêtes johanniques est autorisée par une "charte de la laïcité"... N’y a-t-il pas séparatisme catholique ?

L’affaire est embarrassante car révélatrice : tandis qu’un projet de loi exige des garanties parfaitement inutiles puisque la loi de 1905 y pourvoit, jetant la suspicion sur des associations et écoles d’une religion en particulier, l’islam, la laïcité est bafouée de fait par des élus pour en privilégier une autre, et toujours la même, la catholique. Cela n’est pas sans rappeler la tentative de référence aux « racines chrétiennes » de l’Europe, finalement retirée en 2004 du projet de préambule de la Constitution européenne.

Un gouvernement de pompiers incendiaires

Le Projet de loi, adopté par l’Assemblée Nationale le 16 février, inquiète sur les questions de laïcité. Or il se confirme le 31 mars, au cours du débat au Sénat, que le gouvernement va faire "évoluer" (traduire "enterrer) le trop indépendant Observatoire de la laïcité vers une instance également consultative de type "Haut conseil à la laïcité" et en sus une "Administration de la laïcité", intégrées à l’appareil d’État, séparant dangereusement principes et exercice de la laïcité.

Des « états généraux de la laïcité » sont annoncés le 18 avril alors qu’une commission mixte paritaire est à présent chargée de trouver un texte commun après l’adoption par le Sénat, le 12 avril, du projet de loi modifié "confortant le respect des principes de la République et de lutte contre le séparatisme". Pour la Libre Pensée, la laïcité tout court est la seule vraie laïcité. Or, tout indique qu’il s’agit, pour ce Gouvernement, de rassembler autour d’une dangereuse "laïcité républicaine", qui ne se fait pas scrupule de créer des exceptions (1) à la loi en faveur de l’Église catholique, déjà dominante et banalisée, et de créer, "en même temps", une loi d’exception pour la communauté de confession musulmane, stigmatisée dès lors que seul est agité expressément le risque de dérive islamiste. Dans le but de terroriser l’opinion ; citons à l’appui "l’Exposé des motifs" dans le projet de loi : "Un entrisme communautariste, insidieux mais puissant, gangrène lentement les fondements de notre société dans certains territoires. Cet entrisme est pour l’essentiel d’inspiration islamiste". Non seulement le projet de loi n’est pas neutre mais il part en croisade !

(1) Citons-en une dans le projet de loi : l’amendement interdisant les prières dans l’enceinte des universités, exceptées les aumôneries.

Communautarisme catholique et manipulation politico-médiatique

Comme l’a indiqué elle-même la présidente du Conseil des Sages de la laïcité (mis en place par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation Nationale), Dominique Schnapper, lors de son audition par la commission des lois du Sénat : « Nos fêtes sont héritées globalement de la tradition chrétienne. Il ne faut pas craindre une remise en question de la laïcité si on célèbre des fêtes d’autres religions ou si on fête le Nouvel An chinois, tant que le principe fondamental de la séparation entre le politique et le religieux est maintenu. (...) Le séparatisme, c’est le moment où la loi particulière déclare primer sur la loi commune. C’est en somme le communautarisme : quand la loi de la communauté - parfaitement légitime en elle-même - prime sur la loi républicaine. (...)".

Prenons-la au mot. Car inutile de chercher "d’autres religions" que la catholique, à Orléans, où la séparation entre le politique et le religieux semble bien ne pas être maintenue. Les fêtes johanniques 2021 doivent se dérouler a minima et sans public, pour cause de coronavirus. Un montage filmé de 52 minutes, financé par la ville et confié à l’agence audiovisuelle privée Novo Corp, résumant les fêtes johanniques, devait être tourné les 29 avril et 1er mai et diffusé le 8 mai par France 3 Val de Loire. "Montage" est le terme approprié au point que le 27 avril, le directeur régional de France 3, Jean-Jacques Basier, s’est retiré du projet. La chaîne publique n’a pas voulu cautionner le temps d’antenne que s’était réservé le Maire d’Orléans (et ce à la veille de la campagne électorale des départementales et régionales), et n’a pas plus accepté la commentatrice, Charlotte d’Ornellas. Cette ex Jeanne d’Arc est journaliste à Valeurs Actuelles, ce magazine "de droite qui s’assume" qui publiait, quelques jours auparavant, une tribune de militaires d’extrême-droite appelant leurs collègues d’active à une intervention -un putsch ?- contre les islamogauchistes. Le film sera, sans surprise, diffusé sur le site municipal orleans-metropole.fr, et la messe sur la chaine You tube du diocèse. L’entrisme ne serait-il pas "pour l’essentiel d’inspiration" catholicointégriste dans notre société ?

Les fêtes johanniques 2021 (2) - du 29 avril au 8 mai- donneront une première réponse de fait aux questions de laïcité à Orléans. Mais, dans le meilleur des cas, le texte litigieux subsiste. Les compagnon.nes d’Etienne Dolet de la Fédération de la Libre Pensée du Loiret arrivent pendant mais pas après la bataille, en ce mois d’avril ... A suivre donc.

Le 28 avril 2021,

Monica Jornet
Présidente de la FLP45

(2) Article en préparation. A lire très prochainement.


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