La Raison 91, numéro 75

Total intégré à l’X (école polytechnique) : un danger pour l’indépendance de la recherche publique et pour le monopole de l’état pour la collation des grades universitaires
jeudi 9 avril 2020
par  lpEssonne
popularité : 5%

Suite à son article Total s’installe à Polytechnique (dans La Raison 91 n° 74), Philippe Bouyries nous a fait parvenir deux contributions dont nous publions des extraits.

La position du Syndicat National des Travailleurs de la Recherche Scientifique CGT

« L’implantation de Total au sein de l’École Polytechnique est le symptôme d’une interdépendance généralisée des hauts cadres de l’État avec les puissances privées : dès leur formation les élèves sont encouragés à défendre l’intérêt de groupes privés comme Total, au détriment de l’intérêt général.
Cette démarche de Total est à rapprocher de celle de BNP-Paribas, qui a décidé de financer une licence universitaire pluridisciplinaire sur le développement durable au sein de l’université Paris Sciences Lettres, tout en finançant massivement des projets liés aux énergies fossiles. Il y a donc une offensive généralisée des entreprises privées pour la prise de contrôle de l’Enseignement Supérieur et la Recherche avec le risque que le travail de recherche soit orienté par la course au profit. Le développement de telles chaires avec des grandes entreprises privées signe une privatisation rampante de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui est extrêmement dangereuse : c’est l’indépendance et la liberté académiques qui sont menacées par le développement de ces chaires ; c’est aussi un déni de démocratie quand les priorités d’enseignement et de recherche en viennent à être dictées par des intérêts privés. »

Le point de vue des élèves (publié sur leur site) :

L’École polytechnique a concédé au groupe Total un bail pour implanter la direction recherche et innovation du groupe et ses 250 salariés en plein cœur du campus, au milieu des lieux de vie des élèves, à quelques pas de leurs logements, de leur cantine ainsi que de leurs salles de cours. Le nouveau bâtiment a également vocation à accueillir les élèves et créer avec ces derniers une grande proximité (présence de lieux de vie et de sociabilité, de salles de conférence à disposition des élèves, etc.
Lors d’un vote organisé par les représentants des élèves, 61% des élèves se sont prononcés contre le projet de bâtiment. Les revendications du comité de mobilisation : Nous demandons que Total soit traité comme les autres entreprises qui signent des accords avec l’X. Que Total implante un centre de recherche et développement sur le plateau de Saclay et signe un partenariat avec l’École n’est pas un problème. Mais il ne faut pas confondre partenariat et privatisation des lieux de vie et d’enseignement !
Le projet actuel donne une situation exclusive à Total. Imaginerait-on un centre de R&D du groupe Huawei au sein de Télécom Paris, de Monsanto sur le campus d’AgroParisTech, de British Tobacco dans une faculté de médecine ou de Nexter à l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr ? Ces groupes sont légitimes pour défendre leur objet social et renforcer leurs expertises mais une institution publique de référence se doit de maintenir une certaine distance vis-à-vis d’industriels avec qui elle traite au quotidien.
Nous demandons donc que les relations entre l’X et Total soient normalisées. Pour cela, nous souhaitons :
1) Que le centre de R&D de Total soit construit à l’extérieur du campus, là où sont installées les autres entreprises.
2) Que le bâtiment Total soit uniquement dédié aux employés de Total, et non pensé comme un lieu de vie et d’accueil pour les élèves.
Rappel du rôle de l’École polytechnique :
« L’École polytechnique a pour mission de donner à ses élèves une culture scientifique et générale les rendant aptes à occuper, après formation spécialisée, des emplois de haute qualification ou de responsabilité à caractère scientifique, technique ou économique, dans les corps civils et militaires de l’État et dans les services publics et, de façon plus générale, dans l’ensemble des activités de la nation. » (article 1. 675-1 du code de l’éducation).

La question du monopole de la collation des grades par l’État

Va-t-on voir demain sortir des universités des étudiants diplômés de Total ou de Danone ?

La privatisation insidieuse de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche met en danger le monopole de l’État pour la collation des grades universitaires définie par la loi du 18 mars 1880 :

  • « Art. 1er : Les examens et épreuves pratiques qui déterminent la collation des grades ne peuvent être subis que devant les facultés de l’État. »
  • « Art. 5 : Les titres et grades universitaires ne peuvent être attribués qu’aux personnes qui les ont obtenus après les examens ou les concours réglementaires subis devant les professeurs ou les jurys de l’État. »

Agenda

Array

<<

2024

 

<<

Avril

 

Aujourd’hui

LuMaMeJeVeSaDi
1234567
891011121314
15161718192021
22232425262728
293012345
Aucun évènement à venir les 6 prochains mois