ENTRETIEN AVEC Jean - Pierre SAUTREAU

En complément de la note de lecture dans La Raison de janvier 2019 : "Une croix sur l’enfance en Vendée"
mardi 2 avril 2019
par  Lp 85
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ENTRETIEN AVEC Jean - Pierre SAUTREAU

Auteur de "Une croix sur l’enfance en Vendée".

Jean Regourd  : Vous avez publié " Une croix sur l’enfance en Vendée", relatant votre passage au petit séminaire de Chavagnes-en-Paillers. Vous y décrivez deux aspects : les souillures, avec beaucoup de retenue, et la machine à broyer les consciences pour recruter des prêtres.
A propos du premier point, quelle est la situation aujourd’hui ?

Jean-Pierre Sautreau :
J’ai tenu des réunions publiques à Luçon, La Roche, Fontenay et lors de la projection du film "Grâce à Dieu". La parole de 8 victimes à Luçon et de 4 à La Roche a pu se libérer publiquement.
Mais j’ai reçu à ce jour plus de 350 réactions dont la mention de 70 actes sûrs dont une soixantaine au petit séminaire de Chavagnes. D’autre part, 150 lettres de soutien, corroborant les faits. Et d’autres hors du séminaire (Ets scolaires ou paroisses). Une seule lettre minimisant les faits. Sur les réseaux, 1500 commentaires, dont 1400 négatifs contre Charlie Hebdo après sa publication du 13 mars.
La masse de témoignages dénonce la mise en place d’un système.
Le cÅ“ur du livre ( dont je rappelle qu’il n’a pas été publié "par opportunité du contexte", mais c’est le hasard de l’édition ) dénonce la grande violence de ce système scandaleux d’enrôlement, et ses viols de toute nature, notamment de conscience !

J R Concernant l’Eglise, peut-on parler de "pouvoir et d’impunité" ?

JP S Le pouvoir spirituel pèse depuis des siècles !Et l’Eglise continue de protéger des criminels.
Pour la Vendée il y a eu certainement des centaines d’enfants victimes. La Vendée étouffe depuis 1967. Il y eut l’affaire Lucas en 97-99. Les étapes sont connues, mais étouffées. Rappelons : une rencontre en 1967 avec Louis Marie Billé qui sera archevêque de Lyon, en 2000 déclaration de la CEF sur la pédophilie ( Présidence de LM Billé), 2001 interview d’une journaliste qui communique à l’évêché ... qui étouffe l’affaire. En 2006 Robert Rocheteau publie son livre , toujours rien ; en 2012 le SansCulotte85 enquête ; pas de suite ! des lettres de dénonciation sont envoyées en 2014, 2016,2017. Un cellule est mise en place ; pas de suites !
Après la publication de mon livre, je rencontre l’évêque Jacolin. Il se dit "submergé" par le nombre de victimes !
On ne connaît que 12 % des cas. On constate que des prêtres sont déplacés. Les suivre ?
A Chavagnes, on peut pointer une douzaine de prêtres , qui ont donc rencontré des centaines d’enfants du fait de la confession obligatoire !
Mon deuxième livre en préparation portera sur la libération de la parole, la souffrance et les traumatismes. Le silence de l’Eglise et les conséquences. elle est coupable et complice de ces crimes.
Peut-il y avoir réparation ? La perversion de l’Eglise et de sa hiérarchie, son pouvoir sont là. Or, elle ne tient que par la peur de la mort ! A l’entrée au séminaire, nous avions trois jours de préparation, trois jours avec le Christ. le premier jour l’Enfer ! Je publierai ce document ahurissant.
L’Eglise est un corps "hors sol", tout reste dans les murs, une autoprotection. Ne pas oublier qu’autour est présent le "corps des croyants", tout autant protecteur !

J R La réaction de l’Eglise est d’organiser diverses actions de "pardon" notamment par des prières, et d’organiser " en interne" divers dispositifs. N’est-ce pas une manière de détourner les ressentiments et organiser une sorte d’étouffoir ?

JP S En Vendée, on peut répartir l’Eglise en trois parts : une "progressiste", un centre qui fait l’autruche, une frange réactionnaire autour de "La manif pour tous".
Je n’ai pas pu tenir à la Roche la réunion prévue initialement . Des pressions ont été exercées sur les responsables de la salle. Il a fallu en trouver une autre , un mois plus tard.

Lors de la réunion à l’ICES ( Institut Catholique d’Enseignement Supérieur) le 16 janvier, en deux temps - un temps privé et un temps public -, l’Évêque lui-même a évoqué plus de 50 cas d’abus.

TOUTES les victimes disent "je ne peux pas pardonner".

J R Quelles sont les actions possibles de dénonciation, de s’adresser à la justice des hommes ? Car outre la nécessité de faire que ces actions s’arrêtent, qu’en est-il des fauteurs de cette pédo-criminalité ?

JP S J’ai rencontré l’évêque qui recense les cas et les fait remonter à Rome, mais il faudra que les victimes se tournent ensuite vers la commission Sauvé.
Un certain nombre de victimes demandent à être débaptisés.

J R Le second point (la machine à broyer les consciences, ses méthodes ) est au coeur de votre ouvrage. Il nous conduit de l’oppression subie par l’enfant aux causes objectives : le besoin de recruter des prêtres. Pensez-vous développer ce point ?

JP S Cette machine à broyer a trouvé un terreau extrêmement favorable en Vendée. Présence forte de l’Eglise, mais aussi de l’environnement social, des propriétaires dont dépendaient nombre de métayers, mais aussi les parents à qui on faisait miroiter l’honneur d’avoir un fils prêtre, une fille religieuse.

Le large filet de rabattage fonctionnait très bien. Le système est théorisé dans la revue " Notre-Dame du Sceptre" de 1934 à 41 (évêque Lazare Garnier) puis jusqu’en 1959 avec l’évêque Cazaux. D’autres évêques venaient voir en Vendée ce fonctionnement !

J R L’AILP ( Association internationale de Libre Pensée) a eu comme mandat à sa fondation en 2011 la lutte contre les crimes de l’Eglise. Nous avons donc été attentifs à votre publication qui - et vous tenez à le préciser - n’est pas due aux circonstances conjoncturelles de dénonciation de ces crimes, mais au besoin de vous exprimer.

JP S En conclusion, la décision du pape de refuser la démission de Barbarin, c’est une grande violence qui couvre tous les criminels !

Le 20 mars 2019 .


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