« Le monument des fusillés pour l’exemple prend vie »

lundi 4 mars 2019
par  lpOise
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Le monument des
fusillés pour l’exemple prend vie »

C’est sous ce titre très expressif que la rédaction du Courrier Picard informe ses lecteurs de l’état d’avancement du monument en hommage aux fusillés pour l’exemple, dans son édition du 4 mars 2019

Voici l’article de Nicolas Totet dans le Courrier Picard

Initié par la Libre pensée, le monument des fusillés pour l’exemple est en cours de réalisation dans l’Oise. Il sera installé à Chauny dans l’Aisne, le 6 avril prochain.
Le sculpteur Frédéric Thibault peaufine dans l’Oise ses statues qui formeront le monument des fusillés pour l’exemple dévoilé à Chauny (Aisne) le 6 avril prochain.

Frédéric Thivault sculpte
Photo "Courrier picard" de Frédéric Thigault sculptant un personnage de fusillé pour le monument de Chauny

Photo DR CP

LES FAITS

La Libre pensée défend depuis des décennies la réhabilitation collective des 639 fusillés pour l’exemple, « morts par la France », lors de la Première Guerre mondiale. Beaucoup de fusillés ont été exécutés dans l’Aisne et la Picardie dès la fin de l’année 1914. Seuls 40 fusillés ont été réhabilités par la justice française, la plupart dès les années 1920.
L’association a lancé une souscription nationale pour la création d’un monument symbolique. La somme de 100 000 euros a été récoltée grâce à 1 400 donateurs, particuliers et municipalités, dont Carmaux le village natal de Jean Jaurès.

La ville de Chauny a été la première commune de l’Aisne à se porter candidate pour accueillir le monument, quand d’autres villages, notamment du Chemin des dames, ont trop longtemps hésité. Son maire Marcel Lalonde est un ancien cadre de Force ouvrière, syndicat philosophiquement proche de la Libre pensée, association pacifiste et humaniste à laquelle il a aussi adhéré par le passé.

L’inauguration du monument au Parc Notre-Dame de Chauny aura lieu en deux temps : à 11 heures, cérémonie officielle et républicaine avec le seul discours du maire et à 15 heures inauguration plus militante par la Libre Pensée et divers associations, mouvements et syndicats (ARAC, LDH, CGT-FO, FSU Union pacifiste de France et Mouvement de la paix). Une plaque en mémoire de Jean Jaurès sera aussi dévoilée.

Le monument prend vie

Le futur monument des fusillés pour l’exemple, destiné au département de l’Aisne, prend forme dans l’Oise. Sous un beau ciel bleu de février, mardi, le sculpteur Frédéric Thibault façonne ses personnages en pierre calcaire de Saint-Maximin, carrière célèbre toute proche. Deux des quatre pièces de la statuaire monumentale sont en passe d’être terminées. C’est dans le sud Oise, accueilli par la Maison Bourson, tailleur de pierre et marbrier depuis 1901 à Gouvieux près de Chantilly, qu’est réalisé le fameux monument des fusillés qui rejoindra le département de l’Aisne, la terre des mutineries de 1917.

La pierre blanche du troisième personnage est à plat dans l’eau, dégrossie doucement et usinée pendant près de 150 heures par la machine à programmation numérique. Guillaume est aux commandes. « Le sculpteur nous a fourni une terre, petit modèle du monument que nous avons scanné en 3 D. La machine est précise aux 10e de millimètres, rapporte Guillaume. Mais c’est le sculpteur qui finit le travail, qui retouche à la main les statues, qui leur donne du neuf et de la vie ».

Dans la cour ensoleillée de la Maison Bourson, c’est ce à quoi s’active justement Frédéric Thibault, Parisien de 45 ans, habituellement sculpteur pour une entreprise de monuments historiques basée à Senlis. Non pas au marteau ni au burin : le sculpteur reprend au pistolet pneumatique les deux personnages qui trônent dans la cour. Ils font environ deux mètres de haut. Le premier représente un tirailleur marocain, le dos voûté et les mains attachées. Le deuxième personnage est le plus jeune des quatre fusillés, il est à genoux, le visage voilé.

« Les généraux sont sur des socles, les poilus les pieds dans la glaise »

« Le grain de cette pierre permet de sentir la rudesse. C’est une création et une taille directe. J’ai toute liberté en termes de finitions », explique Frédéric Thibault, qui peaufine le visage du tirailleur pour le rendre plus émacié. Il corrige aussi la coiffure du jeune poilu, dont la pierre est plus grisâtre en rejetant l’eau absorbée pendant l’usinage. « Sa chevelure ne me convenait pas mais la reprise est difficile parce qu’il y a moins de matières », confie Frédéric. Un second sculpteur, Étienne Retou, travaille avec lui à la réalisation des quatre personnages.
« L’intention de groupe doit s’affirmer dans ce monument. Moi je fais des hommes », insiste à propos de la statuaire, le sculpteur de Senlis qui s’est déjà rendu plusieurs fois à Chauny où sera installé son monument. « C’est important la vision. D’ailleurs mon projet a évolué par rapport au site. Le monument se trouvera sur un promontoire engazonné, avec une rangée d’arbres derrière lui. Finalement, je ne fais pas de socle. Les statues des généraux sont sur des socles, les poilus, eux, ont les pieds dans la glaise. On les prenait comme ça pour les fusiller dans un coin », évoque le sculpteur, sensible à cette cause. Des poteaux de bois apparaîtront derrière les fusillés. Le personnage central actuellement dans « les pinces » minutieuses de la machine 3 D, « c’est le vivant, le révolté, le seul à la bouche ouverte qui crie devant l’injustice subie ». Autre détail du monument massif, le quatrième fusillé, lui, sera avachi sur son poteau. La scène promet d’émouvoir. « Il n’y aura pas de question à se poser sur l’intention. Je voulais des représentations figuratives. Je mets l’accent davantage sur les visages que sur les costumes », promet le sculpteur. Le visage du tirailleur est terminé. « C’est émouvant de le voir prendre vie », relève un observateur de la Libre pensée qui prépare un film-documentaire. Ce monument, à la forte portée symbolique, promet beaucoup.

Nicolas TOTET

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« Une nouvelle étape dans notre bataille »

3 Questions à Nicole AURIGNY

Nicole AURIGNY
Photo "Courrier Picard"

La Saint-Quentinoise Nicole Aurigny est vice-présidente nationale de la Libre pensée et présidente de l’association pour l’érection du monument

Ce monument, c’est tout une aventure...

Nous avions commencé en 2014 avec juste l’idée. Le résultat de la souscription nationale est exceptionnelle et nous en sommes fiers. Cinq ans plus tard, six cars viendront de toute la France à Chauny et de nombreux descendants des fusillés seront là. Il faut savoir qu’un petit-fils du soldat Didier, fusillé à Maizy dans l’Aisne en 1917, est déjà venu de Madrid pour nous confier son témoignage.

Sera-t-il unique en France ?

L’ARAC a fait ériger dans les années 1920 une colonne en mémoire des fusillés pour l’exemple au cimetière de Riom, près de Clermont-Ferrand. Il existe d’autres monuments et plaques en mémoire de certains fusillés, en particulier dans l’Aisne, aussi sous l’impulsion du centenaire, des réflexions et des débats sur la guerre. Mais le monument de Chauny sera le premier à valeur nationale.

Quelle en est la portée ?

D’abord ce sont les citoyens qui auront voulu et fait ce monument et non l’État français. La réhabilitation morale des fusillés de 14-18 est acquise auprès des citoyens mais il n’y a toujours pas de réhabilitation collective et officielle décidée au plus haut sommet de l’État. Le monument est une nouvelle étape dans notre bataille.

Publié le 4 mars 2019


En savoir davantagesur l’origine de ce monument par un article du site national de la Libre pensée
https://www.fnlp.fr/index.php?mact=News,cntnt01,detail,0&cntnt01articleid=492&cntnt01returnid=21