La Raison 91, Numéro 68 : deux Révolutions, si proches... par Alain Veysset

mardi 1er mai 2018
par  lpEssonne
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La Raison 91, Num�ro 68 : deux R�volutions, si proches... par Alain Veysset

La revue « Guerres et Histoire » dans son Numéro 40, page 84, interroge Stéphane Courtois sur son dernier livre : « Lénine, l’inventeur du totalitarisme »â€¦ Il commence son interview par : « les deux Révolutions, la française et la russe, n’ont pas grand-chose à voir ».

Pas grand-chose ? Vraiment ? Pourtant, un premier point commun saute aux yeux : le nombre d’auteurs qui depuis deux siècles dénigrent ces révolutions « sanglantes » en leur attribuant un invraisemblable nombre de victimes (voir « Le livre noir du communisme » 1997, du même auteur). Il s’agit de minimiser voire escamoter les crimes de ceux qui rétablissent l’ordre ancien, les authentiques génocidaires : l’ogre Napoléon et l’ogre Staline. Napoléon, génocidaire par la disparition sur les champs de batailles incessants de générations de jeunes européens ; Staline, par ses fuites en avant économiques : collectivisation forcée, grands travaux et goulag…

Leur vindicte est reportée sur les révolutionnaires qui ont changé le monde et qui, pour cela, ont été assassinés : les jacobins par la réaction thermidorienne sans procès et par la guillotine, les bolcheviks par la réaction bureaucratique stalinienne suite à leurs aveux, lors des procès de Moscou, par le chantage, l’humiliation, la torture, la balle dans la nuque, la mitrailleuse.

Prise de la Bastille

Les deux Révolutions abattent des souverains absolus et les liquident, elles font table rase d’un millénaire de Monarchies féodales et barbares. Ces souverains absolus qui avaient la mauvaise habitude d’emprisonner selon leur bon vouloir, dans le secret, d’avoir légalisé la torture, voire de condamner à mort tout opposant, gêneur, femme, enfant, libre penseur, hérétique, réfractaire à leur arbitraire et à la religion d’État.

Les deux révolutions ont subi des invasions étrangères visant à les renverser. Nobles émigrés comme russes blancs étaient équipés et financés par la peur de la contagion révolutionnaire. Cette violence et cette volonté des dirigeants des puissances dominantes de leur époque de lutter contre les peuples révoltés, engagent leurs responsabilités dans les guerres civiles qui ont suivi l’arrivée des révolutionnaires au pouvoir. Ils sont responsables des années de guerres supplémentaires, des famines, des maladies et des hécatombes qu’ils ont provoquées.

La Révolution russe a plus d’un siècle de retard par rapport à la française, mais le tsarisme qui opprime ses peuples tout le long du XIXème siècle, survit grâce au soutien politique et financier des autres empires et de la République bourgeoise française, ce qui lui permet de durer jusqu’en 1917… Les bolcheviks toutefois, vont plus loin sur le plan des conquêtes sociales et démocratiques (décrets sur la laïcité, l’éducation, préservation des monuments historiques, nationalisations, …). Et si leur république n’a été soviétique que Lénine vivant, elle est durable, car si V. Poutine a réussi à redonner puissance et privilèges à l’Église orthodoxe, la monarchie (et Dieu sait s’il rêve de devenir Tsar) n’est toujours pas rétablie.

Pris du Palais d’Hiver

L’autre ressemblance essentielle est le combat pour la rupture avec le pouvoir religieux. La Révolution française a eu du mal à se dégager de la religion d’état : si on garde le roi, le clergé doit être fonctionnarisé, d’autant qu’en confisquant ses biens, on le prive de revenus. Ce qui conduit à la guerre civile avec les prêtres réfractaires (car tout fonctionnaire doit prêter serment…une formalité…) Quand la République est proclamée, la Séparation s’impose dans les faits. Napoléon en rétablissant le concordat redonne le pouvoir politique à la puissance cléricale. Nous sommes en pleine actualité…(*)

Quand la loi de Séparation est enfin votée en 1905, elle rattrape un retard d’un siècle et devient le socle de notre République, et nous sommes en pleine révolution en Russie contre le Tsar. Même si ces deux évènements sont simultanés, ils n’ont pas les mêmes formes. Mais ce sont des mouvements d’émancipation, prélude à octobre pour les russes. Et Lénine est en France, il y reste jusqu’en 1913. Il ne peut que suivre de très près ce combat laïque. Et comme dit Louis Couturier dans le N°64 de juin 2017 de la Raison 91 : « Lénine passe aux travaux pratiques avec ce décret du 20 janvier 1918 sur la Séparation de l’Église et de l’État en Russie »â€¦

« Il met en Å“uvre l’une des revendications contenue dans la pétition portée par Gapone pour être remise au tsar Nicolas II, le dimanche 9 janvier 1905, le Dimanche Rouge. Elle exigeait notamment : la liberté de conscience, les libertés de parole, de presse et de réunion. La Séparation de l’Église et de l’État (…) Par ce décret de janvier 1918, l’Église orthodoxe est reléguée à la place d’institution privée (…) La Russie soviétique prenait place aux côté des États-Unis, du Mexique et de la France. Plus d’Église d’État en Russie soviétique. »

Les Russes se rappellent encore à notre bon souvenir avec la Marseillaise, l’hymne de la Révolution d’Octobre !

Mais il y a bien une différence notoire entre les deux Révolutions, pas en notre honneur : eux, ils ont viré Staline du Mausolée de la Place Rouge comme criminel ; notre Bonaparte, lui, est toujours aux Invalides, entouré des maréchaux assassins de la 1ère Guerre mondiale qui lui font la cour… Engluées que sont nos « Ã©lites » dans la légende napoléonienne.

Alain Veysset

(*) Voir page suivante l’article de Louis Couturier à propos d’un texte de Lénine publié dans la « Novaïa Jizn » du 3 décembre 1905.


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