En publiant la recherche effectuée par Camille Renaud sur le cas d’Armand Mercier, fusillé pour l’exemple, les Archives départementales de la Vendée font un travail fort utile, rendant accessibles toutes les pièces disponibles sur le sort de ce Vendéen, ancien domestique de ferme, originaire d’Apremont (1886- Dieue-sur-Meuse 1916).

Mais il est dommage que cet exemple ne soit pas resitué dans un cadre plus large. On sait qu’il n’est pas unique : 8 soldats ont été condamnés à mort, dont 2 pour mutineries en 1917 et l’on connaît précisément les circonstances de l’exécution pour 4 d’entre eux : Joseph Bonnin (Ile d’Yeu 1888-Lassigny-Hébuterne 1914), Adolphe Lhuillier (Croix-de-Vie 1892-Maroc 1915), Alexandre Martineau (Mouilleron-Le-Captif 1892-Wesserling 1915) et Armand Mercier. Auxquels il faut ajouter Louis Longuetaud (Nantes 1889-Bourg-et-Comin 1915) dont le nom est inscrit sur le monument aux morts à La Roche-sur-Yon. Gustave Roy (Les Magnils-Reigniers 1894-Fontevrault 1918), domestique, condamné à mort en décembre 1916 vit sa peine commuée. Sur les 22 soldats vendéens condamnés pour mutinerie en 1917 , 2 le furent à mort, on ignore leur nom et si la peine fut exécutée.
On regrettera surtout le « jugement de valeur » que portent les auteurs de la présentation.

D’une part, Emmanuelle Roy, qui fait -certes sous la forme d’une interrogation- du cas Mercier un exemple de personnalité asociale : « L’exemple d’Armand Mercier, condamné à mort en 1916 pour abandon de poste, désertion et usurpation de grade, pose la question du consentement à l’effort de guerre et celle du sens des désobéissances. Ces dernières, présentées parfois comme l’expression d’une adhésion à un discours politique, ne seraient-elles pas plutôt la démonstration d’un sentiment de détresse extrêmement profond ou encore d’une personnalité asociale ? ».
D’autre part, les « Perspectives » signées par Thierry Heckmann qui prétend que : « Beaucoup furent amnistiés ou réhabilités après-guerre » ignorant les travaux du Général Bach, de Frédéric Mathieu ou de Nicolas Offenstadt sur cette question (Frédéric Mathieu, 14-18, Les fusillés, éditions Sébirot, 2013, André Bach, La justice militaire. 1915-1916, Vendémiaire 2013, Nicolas Offenstadt, Les fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective (1914-2009), Odile Jacob, 2009, André Bach, Fusillés pour l’exemple, 1914-1915, Taillandier, 2003). Entre 40 et 50 cas seulement de fusillés pour l’exemple sont réhabilités entre les années vingt et trente (sur quelques 650 cas alors évoqués).

Au lieu d’offrir un argumentaire, il adopte d’emblée la thèse de la culture de guerre et du consentement comme une évidence : « Le temps passant, la mémoire des fusillés devint une cause pour dénoncer cette guerre, rompre en quelque sorte avec le consentement qui l’avait fait accepter. Cette cause s’est réveillée lors de la préparation de la commémoration du centenaire, à notre époque où la perception de la souffrance prime sur la valeur du sacrifice. » Enfin, en choisissant le cas Mercier et ses origines, il tranche sur sa personnalité : « Orphelin en bas âge d’un père qui aurait pu être son grand-père, il subit la rigueur d’une vie de « domestique cultivateur » sans disposer du ressort ou des qualités permettant de transfigurer son destin, voire d’en renverser les perspectives bornées. Rien ne dit qu’il fut vraiment un marginal, mais il illustre la figure des sans défense marqués par la-faute-à-pas-de-chance ».
C’est singulièrement réduire le sort des 639 fusillés pour l’exemple aujourd’hui recensés (voir le site Prisme 14-18)
...