lettre 44 - novembre 2015

lundi 15 février 2016
par  lpOise
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Où il est question des origines de la Fondation des Apprentis Orphelins d’Auteuil et de l’Orphelinat de Cempuis

à feuilleter

A PROPOS DU COLLÈGE CATHOLIQUE MARCEL CALLO (NOGENT SUR OISE) :

L’AUTRE FACE DE LA FONDATION « APPRENTIS D’AUTEUIL »

Lors de l’ouverture du collège Marcel Callo de la Fondation catholique des Apprentis d’Auteuil, le bulletin municipal de Nogent sur Oise (n° 218, mars/avril 2015) a présenté l’organisme de manière évasive, et insisté sur les méthodes prétendument « innovantes » du collège (comme si l’enseignement public ne fournissait pas le premier des exemples d’innovations réussies).

Or, la caractéristique principale des Apprentis d’Auteuil réside, aujourd’hui comme hier, dans sa vocation évangélique et missionnaire. Le dépliant de l’établissement consacré à « Nos fondateurs » défend un « projet éducatif fondé sur l’Evangile ». On lit également dans Missio, le périodique de l’église catholique dans l’Oise, sous la plume de Pascal Francisco, coordinateur en pastorale : le quotidien de chaque élève « résonnera de la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ » (Missio, n° 8, juin 2015). Une « innovation » de deux mille ans d’ancienneté…

En réalité, l’histoire des Apprentis d’Auteuil plonge ses racines dans un passé à la fois anti-laïque et colonisateur. Le personnage important en la matière, ignoré du bulletin municipal de Nogent, c’est Daniel Brottier (1876-1936), ordonné prêtre en 1899, et qui prend en 1923 la direction de la Fondation. Créée en 1866, celle-ci se trouve à ce moment au bord de la faillite. L’établissement, qui se nomme Orphelins-Apprentis d’Auteuil, tombe alors sous la coupe de la Congrégation du Saint Esprit, à laquelle appartient M. Brottier. La Congrégation, fondée par un aristocrate breton, est chargée de la formation du clergé à destination des colonies françaises, en premier lieu l’Afrique.

Car M. Brottier a d’abord été vicaire de la paroisse de Saint-Louis du Sénégal. Après la promulgation des lois Combes sur la laïcité (1901-1904), il s’emploie à recréer avec fougue des espaces religieux d’éducation. « Pour sauver la jeunesse, il fallut ouvrir des patronages et des Å“uvres post-scolaires. M. Brottier s’y donna de tout son cÅ“ur », témoignera Mgr Le Hunsec, lors du « procès » qui s’est tenu pour la béatification de l’ecclésiastique, prononcée en 1984 par Jean-Paul II.

A partir de 1911, Daniel Brottier s’est employé à favoriser l’érection d’une cathédrale à Dakar, dite du Souvenir africain. Il s’agissait de défendre et d’illustrer la mémoire de tous ceux – vaillants soldats, administrateurs et aventuriers – qui ont Å“uvré pour la colonisation de l’Afrique, et qui risquaient de tomber dans l’oubli. A l’origine, une grande inscription figurait sur le portique d’entrée de l’édifice, inauguré en 1929 : « A ses morts d’Afrique la France reconnaissante ». Plus tard, elle a été remplacée par : « A la Vierge Marie Mère de Jésus le Sauveur »â€¦ C’est ce personnage qui prend en 1923 les rênes des Orphelins Apprentis d’Auteuil. Daniel Brottier va relever et étendre le champ d’action de l’institution, qui n’a jamais perdu de vue sa mission évangélique, que ce soit en France ou dans les anciennes « colonies ».

Confiné à l’origine dans un petit espace du quartier d’Auteuil, dans le XVIe arrondissement de Paris, le siège de la Fondation s’y est élargi, jusqu’à occuper aujourd’hui deux hectares de terrain bâti et non bâti. Rebaptisée Apprentis d’Auteuil tout court en 2010, forte de 5500 salariés, la Fondation est présente aujourd’hui dans 200 établissements, répartis sur 80 sites, en métropole et dans les DOM, nous apprend Le Monde du 21 octobre 2015. La Fondation a également noué près de 200 partenariats internationaux. En France, son action concerne 24000 filles et garçons et elle patronne 5000 familles en difficulté. En 2014, son budget s’élevait à 340 millions d’euros. 52 % des fonds disponibles proviennent des subventions publiques et 35 % de dons privés.

Portant le nom d’un militant chrétien « pur et dur », mort en déportation, le collège Marcel Callo de Nogent sur Oise ne représente pas un type d’ établissement anodin et isolé, doué d’une vocation pédagogique désintéressée. Il fait partie d’un vaste ensemble coordonné, dont la vocation missionnaire représente la matrice et l’objectif essentiel. A son époque, M. Brottier avait ouvert la voie. Il avait déjà utilisé tous les moyens de communication à sa disposition pour faire Å“uvre de propagandiste : affiches, tracts, presse, cinéma. Ses successeurs ne sont pas en reste. Dans Missio, le journal catholique de l’Oise, le « coordinateur en pastorale » annonce la couleur : il s’agira de travailler au « rayonnement de la vie chrétienne » du collège Marcel Callo dans tout le bassin creillois.

Enfin, un certain esprit colonisateur est-il tout à fait absent de l’entreprise ? Ne vient-on pas « Ã©duquer » et « civiliser » la population « déshéritée » de l’Oise, comme jadis les « indigènes » du fin fond de l’Afrique ? Non plus à coups de fusil, de trique ou de fouet, bien sûr, mais en tout esprit d’ « innovation »â€¦ De ce point de vue, le collège rentrerait bien dans la tradition la plus éprouvée de la Fondation des Apprentis d’Auteuil.

Alain Sager

Société Voltaire.  


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