Deux élèves embarqués par la police après un débat anodin à l’école sur les attentats

samedi 5 décembre 2015
par  lpNord
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Psychose à l’Athénée royal de Jette ? En tout cas, ce vendredi 4 décembre, deux élèves ont été embarqués et auditionnés par la police de la zone Ouest après un débat en classe autour des attentats de Paris. Un événement qui a profondément traumatisé l’une des mamans.

Sophie habite Molenbeek et ses jumeaux, Yassine et Younes, 16 ans, fréquentent l’Athénée royal de Jette, en cinquième année. Jeudi, en fin de matinée, les deux ados ont cours d’EPA, le fameux Encadrement pédagogique alternatif. Thème du jour : la religion et les attentats de Paris. "Mon fils Yassine est à côté de son ami, au fond de la classe", raconte Sophie. La discussion s’engage et comme beaucoup de jeunes à cet âge-là, on ne sait pas trop ce que l’on dit, la parole se libère, parfois dans tous les sens, mais sans réelle arrière-pensée.

Yassine répète ce qu’il a vu à la télé

"Le professeur insiste alors pour que mon fils Yassine participe. Et ce dernier lâche : je suis d’accord avec les autres. Les autres, à ce moment-là, évoquaient l’éventualité d’attentats à Bruxelles, notamment dans le centre-ville, à De Brouckère. En fait, ils ne faisaient que répéter ce qu’ils avaient entendu aux informations pendant qu’on était plongé dans le niveau 4 d’alerte terroriste."

Sur le moment, l’enseignant ne réagit pas. "Mais le lendemain, ce vendredi matin donc, des policiers en civil débarquent à l’athénée", raconte Sophie, encore traumatisée. "Ils viennent chercher Yassine et son ami. Younes, lui, est malade et n’a pas été en cours le matin." Au début, Yassine pense qu’il va être sermonné pour ses retards, au début des cours. "Pas du tout ! Les deux ados sont embarqués, direction le commissariat Jeunesse de la zone de police Ouest", avenue De Roovere. Sur place, c’est l’interrogatoire. "On leur demande de parler de leur situation familiale, comment ça se passe à la maison, de leur parcours scolaire... On leur demande aussi de répéter ce qu’ils ont dit en classe." 

Dans sa déposition, Yassine déclare donc qu’il n’a fait qu’évoquer des alertes entendus dans la presse, comme le fait qu’un attentat était possible en Belgique et qu’il fallait plutôt rester à la maison vu le climat. Comme la RTBF a pu le lire dans la déposition, la police demandera même à l’adolescent s’il a pris conscience de la gravité de ses propos, vu l’ambiance actuelle. "J’aurais préféré que le professeur vienne m’en parler pour qu’on puisse éclaircir les choses", dira Yassine face aux policiers. "Je ne pensais pas que cela allait avoir de telles conséquences."

Une heure quarante au poste de police

Bref, l’audition durera de midi à 13 h 40. Yassine pourra reprendre les cours mais il est encore tout retourné. D’autant que les responsables de l’établissement et la police cherchent maintenant à contacter son frère. Le papa des jumeaux est joint par l’école sur son GSM. "On dira à mon mari : vos fils ont fait une grosse bêtise, il faut aller à la police. Une grosse bêtise mais on ne pensait pas du tout à cela." 

Quand on expliquera enfin aux parents le pourquoi de l’intervention, ils seront eux aussi sous le choc. Finalement, Younes ne devra pas aller au commissariat. "On nous dira que ce n’est plus la peine." Un peu comme si les forces de l’ordre étaient désormais convaincus que les enfants de Sophie n’avait rien à se reprocher. Le procès-verbal devra de toute manière être traité par le parquet.

"Pris pour des terroristes"

Reste que la famille marque le coup. "Mes fils assistent à un cours où il est question de débat, de citoyenneté. Et lorsqu’ils se mettent à discuter, on ne les écoute pas, on les juge, on les prend pour des terroristes et on appelle la police, sans le moindre discernement. A ce rythme-là, toutes les classes du pays seront vidées de leurs élèves ! Ce qui me surprend, c’est qu’alors que toute la classe participe à ce débat, on a ciblé mes fils qui sont de confession musulmane et leur copain d’origine turque. Pourquoi ?"

Lundi, après le week-end, Sophie tentera de joindre le préfet et la proviseure de l’athénée pour "savoir qui a appelé la police. Le professeur ou la direction ?

Ce vendredi, je n’ai jamais eu de réponse. J’ai aussi envie de connaître l’opinion de la ministre Joëlle Milquet sur ce qui s’est passé. Est-ce normal ?"

Le préfet n’a pas été mis au courant

L’athénée dépend de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Après un délai de réflexion et contact avec la direction de l’Athénée royal de Jette, la ministre de l’Education Joëlle Milquet (CDH) a finalement réagi à l’incident. "Si bien évidemment dans la situation de niveau 3 que nous vivons, une vigilance importante et légitime est demandée à tous et notamment aux acteurs éducatifs, elle doit être aussi cadrée dans les processus internes pour éviter d’éventuelles décisions non proportionnées et dommageables pour les élèves", indique la ministre dans un communiqué. "En toute hypothèse et avant toute décision d’information à la police, ce qui n’est pas un acte anodin, le préfet doit être tenu au courant, ce qui en l’espèce ne fut pas le cas , et avoir pris les initiatives internes d’usage pour s’assurer de la nécessité ou pas de cette information à la police ou à un fonctionnaire communal de prévention."

La ministre annonce aussi qu’elle enverra une mission d’inspection lundi à l’Athénée royal de Jette et rappelle l’existence d’équipes mobiles et de services spécialisés dans la radicalisation (accessibles via un numéro vert) afin de venir en soutien aux enseignants.

"Un malentendu"

Ce samedi, des sources policières nous indiquent que toute cette histoire repose effectivement sur "un malentendu " et qu’elle aurait pour point de départ une panique irrationnelle de l’enseignant de Yassine, Younes et leur ami. Prof qui se serait rendu jeudi soir dans un commissariat d’Uccle pour exprimer ses craintes. Ce qui a conduit le parquet jeunesse et la police à diligenter une enquête pour balayer les doutes. En attendant, c’est toute une famille qui reste choquée par l’amalgame.



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